VIDEO - Le mal selon la Kabbale: à l'inverse de l'enseignement bouddhiste (méditation, désintéressement, détachement), accroissez votre égoïsme, faites le mal, ainsi vous devenez divins vous vous rapprocher de l'état de divinité... (video censurée de youtube...)
Un conseil: méfiez-vous de ces philosémites tels ce rabbin Marvin Antelman, Alain SoraI et Gershom Sholem qui prétendent que ce sont les sabbatéens qui ont infiltré le judaïsme inoffensif et sont à l'origine des complots révolutionnaires communistes, sionistes, etc. Cela sert souvent à blâmer les vilains nazis! Voir les premières minutes de cette entrevue avec le rabbin Antelman, on croirait entendre SoraI: tous deux se basent sur les "révélations" (inexistantes) de Antony Sutton...
intransigeants.wordpress.com
Elie Wiesel, Prix nobel de la Paix, un exemple de respect et de générosité
Tuesday, Sep 15 2009
Dans son Testament d’un poète juif assassiné (1980, Points Seuil, 1995), Elie Wiesel décrit l’Allemagne de la république de Weimar, durant l’entre-deux-guerres :
“L’Allemagne vaincue donnait l’impression que sur son territoire on pouvait tout se permettre sauf de se prendre au sérieux, écrit-il. On brisait les idoles, on déboulonnait les statues, on défroquait les professionnels de la foi, on se riait du sacré et, pour rire, on sacralisait le rire… La capitale, en effervescence permanente, rappelait les cités pécheresses de la Bible. Le talmudiste en moi rougissait et détournait le regard. Prostitution, pornographie, dérèglement des sens et de l’esprit, perversion sexuelle et autres ; la ville se déshabillait, se fardait, s’humiliait sans gêne, arborant sa dégénérescence comme une idéologie. A quelques pas de Chez Blum, dans un club privé, des hommes et des femmes, ou des femmes entre elles, dansaient nus. Ailleurs, on se droguait, on se fouettait, on rampait dans la boue, on faisait reculer toutes les limites ; cela me rappelait les mœurs des sabbatéens [cf. Psychanalyse du judaïsme d'Hervé Ryssen, ndlr]. On renversait les valeurs, on levait les tabous. Les gens sentaient-ils l’approche de l’orage ? ”
Et deux pages plus loin, Elie Wiesel écrit ingénument : “Berlin semblait dominée par les Juifs… Journaux et maisons d’édition, théâtres et banques, grands magasins et salons littéraires. Les antisémites français qui voyaient le Juif partout avaient raison… pour ce qui était de l’Allemagne. Les sciences, la médecine, les arts : c’était le Juif qui donnait le ton, qui l’imposait. ” (Le Testament d’un poète juif assassiné, 1980, Points Seuil, 1995p. 100, 124, 126).
Les sabbatéens, ou Dönmeh, sont un groupe religieux d'origine Poldève, officiellement de religion musulmane, mais qui suivent l'enseignement de Sebbataï Tsevi. Ils représentent aujourd'hui 40% des ambassadeurs de Turquie dans le monde, dont la totalité des ambassadeurs de Turquie aux Etats-Unis depuis 1950.
Les sabbatéens étaient très présents dans l'entourage d'Atatürk qui a lui-même étudié au lycée Terakki (lycée sabbatéen).
En 1920, à peine arrivé au pouvoir, Atatürk se donne comme priorité la liquidation du reste des chrétiens arméniens en Turquie. De Septembre à décembre 1920, il les écrase dans un bain de sang (près de 200.000 victimes).
Sans oublier la chute de Smyrne en 1922 qui donna lieu à des massacres d'une férocité incroyable (voir "Les derniers jours de Smyrne" de René Puaux).
Sabbataïsme et Sabbatai Zevi
C'est ici qu'il faut avoir du discernement. Que celui qui a de l'intelligence calcule le chiffre de la bête. Car c'est un chiffre d'homme, et son chiffre est 666. (Apocalypse 13-18)
Un des événements les plus déterminants de ces derniers siècles est l'"épopée" du faux Messie juif Sabbataï Zevi que l'ensemble du monde juif devait prendre pour le Messie en 1665 et 1666.
Il est évidemment impossible de donner une véritable idée de son histoire en quelques fils, quant on sait que Gershom Scholem devait lui consacrer un livre de près de 1000 pages (Sabbataï Zevi - Le Messie mystique 1626-1676 éditions Verdier), et, en fait, Gershom Scholem devait revenir sur cette question tout au long de son oeuvre. On signalera spécialement Le Messianisme juif paru en Presses Pocket qui traite plus spécialement des théories sabbataïstes de la rédemption par le péché. D'autre part, Le Messie Militant d'A. Mandel (éditions Arché), qui relate la carrière d'un étrange successeur de Sabbataï Zevi, Jacob Frank.
La première caractéristique de Sabbataï Zevi, celle qui le distingue de tant d'autres imposteurs, c'est le fait que presque tout le monde le crut dans le monde juif (Gershom Scholem et le Rav Ron Chaya disent que tout le monde le crut), aussi bien en Europe que dans le monde musulman.
D'autre part, les dates mêmes de ces événements sont un signe caractéristique de la vraie nature d'un tel "Messie" pour tous ceux qui reconnaissent l'identité essentielle de toutes les traditions, et donc la vérité de l'ésotérisme chrétien.
A l'époque, la venue de Sabbataï Zevi fut annoncée au pape comme l'arrivée de l'Antéchrist, mais l'aventure devait se terminer assez rapidement d'une manière grotesque: après que tout le monde juif se fut mis en branle pour rejoindre le Messie en Palestine, Sabbataï Zevi devait être capturé par le Mehmet IV et contraint à apostasier en embrassant l'Islam en 1666.
A partir de ce moment, presque tout le monde juif le reconnait comme imposteur, mais une partie lui reste fidèle, et, parmi ses fidèles, nombreux sont ceux qui se convertissent faussement à l'Islam ou au Christianisme, afin de hâter la venue des temps messianiques. En Turquie, ils sont connus sous le nom de Dunmeh, et pratiquent l'Islam en apparence, et les rites juifs en secret. En Europe, surtout à partir de la venue de Jacob Frank, ils se convertissent au Christianisme.
Gershom Scholem a étudié bien des aspects historiques et théologiques du sabbataïsme, y compris de curieux liens entre certains sabbataïstes et la Révolution française.
Si sous certains rapports les travaux de Scholem sont complétés par ceux d'historiens et de spécialistes universitaires de la Kabbale, comme Moshe Idel, ils ne semblent pas bouleverser les grandes lignes de ce que nous apprend Scholem. Ces grandes lignes pourraient être classées de la manière suivante:
-l'histoire de Sabbataï Zevi lui-mêmeOn comprendra l'importance de cet événement pour notre temps si on considère l'ampleur du mouvement, et le fait que de nombreux Juifs détachés de leur tradition semblent bien se rattacher plus ou moins au sabbataïsme (on pense notamment à Marx et à Freud) et que ce mouvement sabbataïste paraît bien ne pas être étranger à la Révolution Française ou à la destruction du Califat au début du siècle dernier.
-la théologie de la "rédemption par le péché" qui constitue une théorie méthodique de la transgression des commandements d'Israël (la bénédiction de Sabbataï Zevi est significativement: "Béni soit l’Éternel qui autorise ce qui est interdit".
-la difficulté de connaître plus exactement cette "doctrine", étant donné la destruction systématique des textes par les Juifs orthodoxes, et le caractère secret des groupes sabbataïstes après 1666
-l'existence de nombreuses ramifications sabbataïstes aussi bien en Occident qu'au Proche-Orient.
J'espère revenir sur les différents aspects de cette question que Guénon a signalée d'une manière extrêmement discrète, dans la mesure où il est possible de les traiter, aussi bien au point de vue théologique qu'au point de vue proprement historique.
(...)
La plupart des juifs renièrent Sabbataï Zevi, mais certains continuèrent à le suivre, en élaborant une théologie de la transgression: il faut transgresser la Loi d'Israël pour que les temps messianiques s'accomplissent. Parmi les transgression, il peut y avoir tous les degrés: il y a eu des sabbataïstes qui continuaient à pratiquer le Judaïsme normal, mais en mangeant une olive un jour de jeûne. Mais il y a aussi l'apostasie (le cas des Dunmeh, convertis à l'Islam, mais restés juifs en secret, et dont certains connurent un succès notoire, comme Mustapha Kémal, descendant des premiers Dunmeh). Et il y a les unions interdites (notamment l'inceste).
Il faut rappeler la bénédiction de Sabbataï Tsevi: "Béni soit l'Eternel qui autorise ce qui est interdit".
Au 18e siècle, en Pologne, Jacob Frank se prétendit le successeur de Sabbataï Zvi, et lui-même Messie (il peut y avoir plusieurs Messies, selon une certaine théologie juive).
Lire Messianisme juif de Gershom Scholem. Tous les extraits sont tirés de l'article intitulé la rédemption par le péché.
Sur les familles sabbataïstes et leur influence, Gershom Scholem écrit notamment:
Citation:
Nous avons des documents prouvant que certaines familles connues vers 1740 pour leur allégeance sabbatéenne, et certaines d’entre elles très haut placées, étaient encore attachées à la « sainte foi » soixante ans plus tard. Dans de tels cercles, le judaïsme traditionnel n’était plus que le revêtement extérieur de leurs véritables croyances.
p.208
Citation:
Quant aux historiens profanes, ils ont été conduits également à sous-estimer le rôle du sabbatéisme, mais pour une raison différente. Non seulement la plupart des familles qui firent partie du mouvement sabbatéen dans l’Europe occidentale et dans l’Europe centrale continuèrent de demeurer par la suite à l’intérieur du bercail juif mais beaucoup de leurs descendants, surtout en Autriche, parvinrent, au cours du XIXème siècle, à des positions importantes : intellectuels de renom, grands financiers ou hommes politiques ayant de hautes relations. Il ne fallait guère attendre de ces personnalités qu’elles approuvent les tentatives de « démasquer » leur hérédité « chargée », cela va sans dire. En raison de leur position dans la communauté juive, il n’est pas étonnant que leurs souhaits aient été entendus.
p.142
Mais quelles étaient les véritables croyances des sabbataïstes et des frankistes?
Citation:
Le nihilisme du mouvement sabbatéen et du mouvement frankiste, ce nihilisme qui résulte de cette doctrine, si profondément choquante pour la conception juive, que « c’est en violant la Tora qu’on l’accomplit » (bittulah shel Torah zehu kiyyumah) fut l’accomplissement dialectique de la croyance en la messianité de Sabbatai Zevi.
p.146
Citation:
« Il est bien connu que les membres de la secte croient qu’(avec la venue du Messie) la Tora a été annulée (betelah) ; on la (lira) dans l’avenir sans (ne plus y voir aucun précepte), car pour eux abolir la Tora c’est l’accomplir, comme le montre l’exemple du grain de blé qui pourrit dans la terre. » (la citation est tirée d’une brochure anti-sabbatéenne Leshihat Saraf, publiée en 1726) En d’autres termes, puisque le grain de blé doit pourrir en terre avant de germer, il faut que les actions des « croyants » aient elles-mêmes véritablement « pourri » avant que puisse germer la rédemption. (…) Dans la période de transition, tandis que la rédemption se tient encore cachée, il faut renier explicitement la Tora, car c’est seulement en la reniant qu’elle « se cache » et qu’elle pourra finalement être renouvelée.
p.185
Mais un point important est que:
Citation:
La vraie foi dans le pouvoir rédempteur de la subversion ne saurait être révélée.
p.214
On peut citer quelques paroles de Jacob Frank:
Citation:
« Je vous le déclare : tous ceux qui voudront s’engager dans le combat devront être sans religion aucune et pour cela ils devront se libérer d’eux-mêmes et tenir ferme à l’Arbre de Vie. »
« Je ne suis pas venu dans ce monde pour votre élévation, mais pour vous précipiter au fond de l’abîme. On ne saurait descendre plus bas. »
Ce que Gershom Scholem commente (p.202):
Citation:
La descente dans l’abîme ne demande pas seulement le rejet de toutes les religions et de toutes les conventions. Elle requiert encore l’accomplssement d’ « actes étranges ».
Quant aux conséquences politiques, ce passage est très explicite:
Citation:
alors que l’idée de la violation de la Tora de beriah demeurait un principe cardinal de la « sainte foi », son application changea de registre. En particulier, elle vint alimenter le rêve d’une révolution universelle qui d’un coup de balai effacerait tout le passé pour permettre de rebâtir le monde.
L’espoir d’un renversement de toutes les lois et coutumes que Frank avait suscité a pris soudain vers la fin de sa vie consistance sur le plan de l’histoire.
La Révolution française a permis aux projets sabbatéens et frankistes de renversement de l’ancienne morale et de la religion de trouver un champ d’application : on sait en effet que les neveux de Frank, que ce soit en vertu de leur « croyance » ou pour tout autre motif, ont joué un rôle actif dans divers cercles révolutionnaires de Paris et de Strasbourg. La Révolution leur apportait sans doute la confirmation de leurs opinions nihilistes ; maintenant les piliers du monde semblaient ébranlés et les anciennes coutumes en voie d’être renversées.
pp.210-211
Pour plus de précisions sur cet épisode, il faut se référer surtout au Messie militant d'Arthur Mandel qui y est en grande partie consacré, et parle des rapports des neveux de Jacob Frank, Junius et Emmanuel Frey avec la Révolution française, leurs activités révolutionnaires, leurs rapports avec Danton et avec Robespierre, etc.
Les frankistes avaient déjà inquiété le gouvernement en Allemagne, et Gershom Scholem commente cet épisode:
Citation:
Une enquête fut ordonnée sur les lieux. Les autorités qui la menèrent à Francfort et à Offenbach ne creusèrent pas bien loin l’affaire : elles furent vite satisfaites de ne trouver là qu’une intrigue forgée pour escroquer de l’argent à des Juifs crédules. L’historien qui a publié de nos jours leur compte rendu officiel termine assez naïvement son étude par ces mots : « L’idée ridicule d’un complot frankiste qui avait alarmé les fonctionnaires impériaux fut finalement écartée », sans voir que les soupçons des autorités étaient à un niveau plus profond parfaitement, sinon clairement, justifiées !
p.215
Sabbatéisme et marxisme
C'est dans le triomphe de ces éléments les plus inférieurs que Marx voit la fin de l'histoire, et ceci, dans le sens de finalité, puisque c'est le paradis terrestre qui était sensé résulter de la Révolution.
Il faut ajouter que l’œuvre de Marx contient un véritable plan de subversion révolutionnaire et qui s’applique au monde entier. Il y a toute une partie des écrits de Marx et Engels qui est géopolitique, et qui s’applique à la destruction de toutes les sociétés traditionnelles. Une certaine partie de ce plan est évidemment dépassée, puisqu’elle a été appliquée, mais il y a encore bien d’autres parties qui ne le sont pas encore. (...)Seulement encore une fois, pour le comprendre, il faut comprendre que le marxisme est très loin de se réduire à une idéologie.
Il est difficile de ne pas voir en Marx un sabbataïste, et même plus exactement un frankiste. Le Manifeste du Parti Communiste a un accent nettement frankiste, puisque l'accomplissement messianique du communisme est bien mis en rapport avec la transgression méthodique de la Loi, et spécialement des 10 Commandements: la destruction de toute religion, le triomphe de l'athéisme, et la transgression des unions interdites (Marx parle clairement de la communauté des femmes, de la destruction de la famille).
Le Manifeste du Parti Communiste constitue une oeuvre strictement sabbataïste, dans le sens où il s'agit d'une transgression, ou si l'on veut d'une inversion méthodique des 10 Commandements, mais, en ce qui concerne la psychanalyse, ce qu'il faut voir, c'est qu'elle constitue un essai d'explication de la psychée humaine fondée strictement sur la transgression des "unions interdites".
Sabbatéisme et freudisme
Si l'on veut sérieusement s'intéresser à la question des rapports entre le Judaïsme et la psychanalyse, il faut d'abord tenir compte de l'existence du sabbataïsme, c'est-à-dire d'un courant messianique juif déviant.
http://tradition-modernite.leforum.cc/t ... i-Zevi.htm
Ce qu'il faut considérer, c'est qu'il s'agit bien d'un courant juif, mais qui constitue une inversion méthodique de l'enseignement traditionnel du Judaïsme. Je pense qu'il apparaîtra assez clairement que la plupart des courants juifs contemporains connus sont effectivement des conséquences du sabbataïsme, et sont même, en un sens, des formes de sabbataïsme, conscientes ou non. C'est le cas de la psychanalyse, et aussi du marxisme. Bernard Lazare a souligné que le marxisme était issu de la logique talmudique, or il est à noter que, dans Le Fumier de Job, le juif Bernard Lazare se réclame ouvertement du faux Messie.
Le sabbataïsme n'est pas non plus totalement étranger aux origines de la Révolution française, et il y a à ce sujet des confirmations dans l'oeuvre de Bernard Lazare, comme dans celle de Gershom Scholem.
Tout le monde peut constater l'importance de l'influence de certains intellectuels juifs dans la formation de la mentalité contemporaine, et les deux exemples les plus connus sont Freud et Marx, bien qu'il y en ait beaucoup d'autres. Or cette influence apparaît, sur le plan historique, au XIXème siècle, et en effet, une des conséquences de la Révolution fut l'émancipation des Juifs. Il peut donc être important de connaître le climat intellectuel du monde juif à l'aube de cette Révolution. Or, un peu plus d'un siècle avant la Révolution, le monde juif est bouleversé par un événement singulier, la venue d'un faux Messie, forcé de se convertir à l'Islam en 1666, faux Messie que la majeure partie du peuple juif prendra pour le Messie authentique (le Rav Ron Chaya dit que tout le monde y a cru, mais cette remarque n'engage que lui). Ce faux Messie fut contraint d'apostasier par le Sultan, et, à partir de là, se développe une théologie de la rédemption par le péché, théologie qui enseigne que la transgression des interdits d'Israël est une condition de la venue des temps messianiques.
J'espère montrer prochainement que le Manifeste du Parti Communiste constitue une oeuvre strictement sabbataïste, dans le sens où il s'agit d'une transgression, ou si l'on veut d'une inversion méthodique des 10 Commandements, mais, en ce qui concerne la psychanalyse, ce qu'il faut voir, c'est qu'elle constitue un essai d'explication de la psyché humaine fondée strictement sur la transgression des "unions interdites".(...)
« La naissance de la psychanalyse », p. 342 :
En réalité, c’est bien Freud lui-même qui semble avoir projeté sur le reste de l’humanité son propre complexe d’Œdipe, que le père de la psychanalyse a érigé en loi universelle, comme il l’a fait pour sa théorie de la « horde primitive » dans laquelle le meurtre du père primitif explique la naissance de toute civilisation et la proscription désormais universelle de l’inceste.
« Hassidisme, Kabbale et psychanalyse », p. 343 :
Toute la thèse de David Bakan est de montrer que la psychanalyse est en fait largement dérivée des méthodes de la Kabbale juive. (…) Les méthodes des kabbalistes, selon lui, ont pu inspirer la démarche psychanalytique. Il se trouve, note-t-il, que la méthode freudienne de l’interprétation des rêves, qui consiste à extraire chaque élément de son contexte, correspond aussi exactement à « la recherche des sens cachés ou plus profonds de la Thora ». (David Bakan, Freud et la tradition mystique, 1963, p275)
Qu'est-ce que le tiqqounisme?
Sabbatéisme et Frankisme
« Des possibilités s'ouvrent que l'on avait perdues depuis les soulèvements millénaristes et les mouvements messianiques juifs du 17eme siècle »
Tiqqun, Thèses sur le Parti Imaginaire
« L'œil exercé, quant à lui, ne voit dans tout cela rien qui accrédite la victoire sans retour de la marchandise et de son empire de confusion, il y devine plutôt l'intensité de la catastrophe, du moment de vérité qui mettra enfin un terme à l'irréalité d'un monde de mensonges. Sur ce point comme sur bien d'autres, il n'est pas superflu d'être sabbatéen »
Tiqqun, Qu'est-ce que la Métaphysique Critique
« En étroite relation avec cela, nous voyons apparaître un type d'homme dont la radicalité dans la l'aliénation précise l'intensité de l'attente eschatologique »
Tiqqun, Théorie du Bloom
L'exil vécu comme condition préalable à la réalisation du Tiqoun et l'histoire du genre humain comprise paradoxalement comme un progrès essentiel, malgré toutes les régressions, vers la fin messianique trouvèrent peu à peu, comme nous l'avons dit plus haut, un très fort engouement dans les couches populaires juives à partir du XVIe siècle. Outre qu'ils répondaient à une forme d'exaspération, ils donnaient le sens et la vérité du cours de l'histoire en offrant à la communauté juive le bénéfice d'une conclusion positive et libératrice. C'est dans le cadre de cette effusion qu'entre, à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, l'aventure messianique de Shabtaï Tsvi et du mouvement sabbatéen.
Shabtaï Tsvi est né en 1626. Instruit très tôt des préceptes de la Kabbale et notamment de la doctrine Lourianiste, il entre dans une vie d'errance à l'issue de laquelle il déclare se soustraire totalement à l'obéissance de la loi rabbinique pour se conformer à une loi supérieure. En 1665, il rencontre Nathan de Gaza, sorte de héraut et de porte étendard du Messie à venir (il tient un rôle similaire, par comparaison, à Jean-Baptiste pour le Christ). Nathan désigne en Shabtaï le nouveau Messie, celui capable d'ouvrir la voie de la restauration à toutes les souffrances humaines, à la réconciliation des âmes meurtries. Dès lors, la fièvre messianique connaît une propagation rapide. Partie d'Orient, la nouvelle de l'apparition du Messie atteint l'ensemble de la diaspora et la met en effervescence. Pour Nathan, la nouvelle de l'apparition de Shabtaï marque un nouveau terme dans le processus du Tiqoun. Le tri des étincelles divines emprisonnées par les écorces (Qélipot) est achevé. Nous sommes au seuil crépusculaire du passage de l'exil à celui de la rédemption, du Tiqoun. Ainsi, toute loi proclamée et observée lors du moment précédent devient caduque, sans intérêt, notamment toutes les lois fixées par l'autorité et la tradition rabbinique. La foi, une foi indéfectible dans les gestes et pensées de Shabtaï, doit prendre la place de toutes les pratiques et rites anciens... Nathan annonce par ailleurs que Shabtaï, lors d'un voyage prochain à Constantinople s'emparerait de l'empire Ottoman. La fièvre des masses juives est alors à son comble : partout ce ne sont que scènes d'exaltation mystique, annonces de prophéties collectives, pièces délirantes où dignité des paroles et actes blasphématoires mélés affluent dans un climat d'hystérie générale. Shabtaï arrive à constantinople en 1666 mais se fait immédiatement arrêté par les turcs. Il connaîtra une détention prolongée qui n'affectera en rien sa légende jusqu'au moment où, dénoncé au sultan comme élément dangereux par un kabbaliste polonais, on lui donne le choix entre une mise à mort immédiate ou la conversion à l'Islam. Shabtaï préfère le renoncement à la confession juive, l'apostasie... Cet acte aura des répercussions énormes pour la suite des mouvements sabbatéens. Il provoque en effet un traumatisme profond et un abattement général dans la communauté juive : comme le résume lucidement Scholem, accepter l'idée d'un messie crucifié passe encore, celle d'un messie apostat, d'un traître, est difficile, sinon impossible à admettre.
A partir de cette conversion, le sabbatéisme va connaître une profonde déchirure. Les plus modérés appelleront à un retour de la communauté dans les lois de la tradition juive. Sans oublier ni renier totalement Shabtaï Tsvi, ils argueront d'une occasion de rédemption réelle mais manquée. L'attente est repoussée... Une tendance beaucoup plus radicale refusera quant à elle de voir dans la conversion de Shabtaï un acte de reniement. De cet évènement en apparence dramatique, elle tire une lecture nouvelle permettant la poursuite de l'espérance rédemptrice tout en l'entraînant cependant sur les pentes d'un nihilisme absolu dont Jacob Frank sera le représentant idéal. La conversion de Shabtaï Tsvi est-elle une apostasie ? Non, répond cette tendance. Tout au contraire, elle est la poursuite incomprise par le peuple juif de son œuvre prophétique. Pour comprendre l'explication avancée, il faut revenir à la doctrine lourianique. Lorsque Shabtaï commença sa marche de délivrance, le mal et ses écorces sentirent avec panique leurs fins prochaînes. Sous l'effet de l'urgence, le mal, redoublant son emprise sur les étincelles du bien, dresse alors une force surpuissante empêchant toute libération par seule attaque frontale. Abrité maintenant derrière une citadelle imprenable, le mal ne peut plus être vaincu que par la ruse. Ainsi s'explique l'apostasie de Shabtaï, sorte de subterfuge par lequel il est descendu dans les abîmes de l'impureté afin d'y extirper les dernières étincelles de bien toujours captives. Non dénuée de paradoxes, cette explication va conduire une partie de la tendance radicale du sabbatéisme au frankisme, c'est à dire au nihilisme le plus noir et le plus absolu.
Scène 3 : Jacob Frank
« Partout où Adam a marché, une ville a été batie, mais partout où j'ai mis le pied tout sera détruit. Je ne suis venu en ce monde que pour détruire et anéantir, mais ce que je batis durera éternellement »
J.Frank, Les sentences du seigneur, (citation reproduite dans l'article, Le silence et son au-delà)
« CAR LE DESASTRE EST L'ISSUE DU DESASTRE »
Tiqqun, Théorie du Bloom
« Le P.Imaginaire revendique la totalité de ce qui en pensées, en paroles ou en actes conspire à la destruction de l'ordre présent. Le désastre est son fait. »
Tiqqun, Thèses sur le P. Imaginaire
Selon Scholem, « J. Frank restera dans la mémoire des hommes comme le cas le plus effrayant de l'histoire du judaïsme. Que çela ait été pour des raisons personnelles ou pour d'autres motifs, ce chef religieux se comporta dans tous ses actes comme un personnage absolument corrompu et dégénéré ». Quelle que soit toutefois la pente psychologique de Frank, on ne peut expliquer l'aura qu'il trouva parmi un grand nombre de membres de la communauté juive qu'en se référant à la voie nihiliste qu'avait prise une fraction du mouvement sabbatéen à la suite de l'apostasie de Shabtaï Tsvi. Cette voie, au moyen d'un mysticisme démentiel, Frank la conduisit à ses extrêmités les plus radicales : pousser dans l'abîme toute chose existante, appeler à un cataclysme absolu, vider jusqu'à la lie la coupe de la désolation, exercer une plénitude destructive et fouler aux pieds le mot « vie » pour en extraire son élixir, son essence... (On trouve encore un lien ici avec toute révolte basée sur des postulats uniquement religieux et métaphysiques, et l'on se reportera ici à l'expérience du néant que désigne Heidegger dans le premier chapitre.)
Il ne fait maintenant plus aucun mystère que Julien Coupat, par l'idée d'une mission à accomplir, est marqué jusqu'au ridicule par les sentences de Frank. Ce sont avant tout sur ces dernières que nous nous attarderons ici pour montrer le lien existant avec Tiqqun.
Au moyen d'envolées mystiques redoutables et fascinantes, la doctrine de Frank ne prêche que désolation et ruine du monde. Voie nihiliste, elle s'explique par tous les échecs des prophètes antérieurs, Moïse, Jésus et Shabtaï Tsvi... Ce dernier, envoyé par Dieu, fut lui aussi « dépourvu de puissance pour accomplir toute chose. Il n'a pu découvrir la vraie voie ». « Mon désir, dit Frank, est de vous conduire vers la vie. » Chemin difficile car, nécessitant le rejet absolu de toutes les lois, normes et conventions passées, il implique la plongée dans l'abîme avant d'approcher la « vraie vie ». C'est une véritable rédemption par le péché, par la ruine et la destruction, l'appel à une guerre absolue et définitive où le croyant devient un combattant. Voici quelques extraits des Sentences du seigneur où sont consignés les aphorismes de Frank : « Nous devons descendre jusqu'au niveau le plus bas si nous voulons faire l'ascension de l'infini ». « Je ne suis pas venu dans ce monde pour votre élévation, mais pour vous précipiter au fond de l'abîme » Cette plongée dans le chaos est défendue comme le dernier acte permettant de délivrer le bien des forces du mal (chez Frank, la théorie des Qélipot est remplacée par l'idée de forces divines bonnes et mauvaises. Cela n'a que peu d'importance pour ce qui nous intéresse...). Elle nécessite par ailleurs le respect total d'une règle intangible : l'observation stricte du silence sur la cause et la destination des actes de destruction totale. Extraits à nouveau : « L'homme qui veut prendre d'assaut une forteresse ne peut le faire par des paroles, mais il doit y consacrer toutes ses forces. Ainsi devons-nous accomplir notre tâche de silence. », (cette citation est reproduite par Tiqqun en introduction de l'article sur la manifestation Turinoise ) ; « Nos ancêtres ont tous parlé : quel bien en est-il résulté pour eux et qu'ont-ils accompli ? Gardons-nous, le silence : tenons-nous dans la quiétude et portons ce que nous devons porter. Voilà où est notre devoir. »
A l'instar du mythe de l'exil et du désert, le thème du ravage et du silence traverse les articles principaux de la revue. On le trouve appliqué autant aux actes du Bloom qu'adapté à la stratégie du Parti Imaginaire. Rappelons rapidement ici que le Bloom est la figure de la négation du capitalisme moderne, négation qui s'ignore en tant que telle mais qui s'unit par l'ensemble de ses actes destructifs (tueries, suicides, etc...) sous la bannière du Parti Imaginaire. Dans ce Parti, quelques membres conscients (Tiqqun), dans la ligne des justifications avant-gardistes, donnent sens et valeur à des pratiques et actes qui semblent au départ en être totalement dépourvus : « rien ne peut expliquer l'absence systématique de remords chez ces criminels (K. Kinkel par exemple, ndlr), sinon le sentiment muet de participer à une grandiose œuvre de saccage. De toutes évidence, ces hommes en eux-mêmes insignifiants sont les agents d'une raison sévère, historique et transcendante qui réclame l'anéantissement de ce monde, c'est à dire l'accomplissement de son néant. », Thèses sur le P. Imaginaire, (souligné par nous) ; « (...) chacun de ces meurtres sans mobile ni victime désignée, chacun de ces sabotages anonymes (exécutés par les Bloom, ndlr), constitue un acte du Tiqoun », Thèses sur le Parti Imaginaire
Le délire ne s'embarrasse jamais de paradoxes : le Bloom, ce chevalier noir de la rédemption, insignifiant en lui-même et ignorant du Graal qu'il poursuit, connaît toutefois la loi absolue du silence. Évoquant l'histoire sordide d'un quadragénaire qui pète casque et boulons et massacre en toute tranquillité apparente sa famille, nos chers membres conscients lancent cette explication somme toute évidente lorsqu'on connait l'égout mystique dans lequel ils baignent : « Devant ses juges, comme devant la torture, (?! – Ils imaginent sans doute les tribunaux contemporains comme des succursales cachées de l'Inquisition, ndlr), le Bloom restera muet sur les motifs de son crime. Pour partie parce que la souveraineté est sans raison, mais aussi parce qu'il pressent que c'est au fond la pire atrocité qu'il puisse faire subir à cette société que de le laisser inexpliqué. C'est ainsi qu'il est parvenu à insinuer dans tous les esprits la certitude empoisonnée qu'il y a en chaque homme un ennemi de la civilisation qui sommeille. De toute évidence, il n'a pas d'autre fin que de dévaster ce monde, c'est même là son destin, mais il ne le dira jamais. Car sa stratégie est de produire le désastre, et autour de lui le silence », (souligné par nous)
Le Frankisme provoqua un véritable traumatisme dans les communautés juives, particulièrement en Europe de l'Est. Il désigna selon Scholem le point catastrophique, désespéré et décadent dans lequel baignait alors une grande partie du monde judaïque. Si, chez Frank, le but final de la destruction est bien comme pour la mouvance radicale du sabbatéisme de délivrer définitivement le bien des griffes du mal, la fin permet maintenant l'utilisation de tous les moyens : fourberies ; ruses ; reniements ; double, voire triple jeu, sont acceptés comme outils d'une conclusion indiscutable. On a là un autre un aspect du caractère nihiliste du mouvement, caractère propre au mouvement nihiliste politique lui-même puisqu'on le retrouvera chez les russes durant tout le XIXe siècle. Les partisans de la doctrine frankiste plongeront donc dans les manifestations les plus incroyables aux yeux d'un juif traditionnaliste : à coté de conversions nombreuses au christianisme, ils pratiqueront régulièrement scènes orgiaques et actes de démences collectives... Au XIXe siècle, les autorités rabbiniques feront tout pour en effacer traces et mémoires. Lors du déclanchement de la Révolution française cependant, certains frankistes, apercevant dans ce bouleversement politique une confirmation des prophéties de Frank, se rallieront au jacobinisme (Junius Frey notamment, dont le fantôme vient signer en dernière page aux cotés des rédacteurs de la revue). Tout le reste, si le sujet vous interesse est exposé dans l'œuvre de G.G.Scholem (spécialiste de la Kabbale et du millénarisme juif).
ACTE III
Nihilisme philosophique et politique
« Par bien des aspects, la métaphysique Critique poursuit et achève le travail de sape entrepris avec succès, depuis cinq siècles, par le nihilisme »
Tiqqun, Qu'est-ce que la Métaphysique Critique
« Comme tous les esprits adolescents, ils ressentaient en même temps le doute et le besoin de croire. Leur solution personnelle consiste à donner à leur négation l'intransigeance, la passion de la foi. Quoi d'étonnant, au demeurant ? »
A. Camus, L'Homme révolté (sur les jeunes nihilistes russes)
« La vérité est un ravage »
Tiqqun, Premiers matériaux pour une théorie de la jeune fille
« Un prolétariat de bacheliers »
Dostoïevski, (à propos des mêmes...)
Nous venons de voir précédemment pourquoi, avec Frank, une grande partie des mouvements millénaristes juifs avait sombré dans un nihilisme total. Ce chapitre éclairera seulement, à travers une brève description de la conception du nihilisme chez Nietzche et celle de Netchaiev (figure de proue du nihilisme politique russe), comment, de façon nettement moins scandaleuse mais autrement plus confortable, Tiqqun se revendique de cette filiation bientôt dépassée par l'avènement de la nouvelle ère rédemptrice.
Le terme de nihilisme apparut la première fois sous la plume du romancier russe Tourgueniev dans Père et enfant. Son héros, Bazarov, futur modèle pour de nombreux révolutionnaires, caractérise sa démarche comme la gloire de posséder « la stérile conscience de comprendre, jusqu'à un certain point, la stérilité de ce qui est. » C'est pourtant à Nietzsche, véritable visionnaire du nihilisme moderne, que nous devons la définition et les analyses les plus aiguës sur ce qu'il désignait lui-même être pour la condition humaine actuelle « comme le plus inquiétant de tous les hôtes ».
Le nihilisme est le terrain de débâcle de tous les sens. Expérience de la fatigue du sens, il s'accompagne d'une grande lassitude, d'un dégoût profond à l'égard de l'homme et des choses. Rien ne vaut plus rien, tout est égal : le vrai, le faux, le bien, le mal. Tout est dépassé, usé, vieilli, terni, mourant. C'est une agonie indéfinie du sens, un interminable crépuscule. Non pas un anéantissement défini des significations, mais leur naufrage indéfini. Le développement historiquement réalisé du nihilisme procède selon Nietzsche de la mort de Dieu. Avec sa fin, toute garantie pour saisir un monde intelligible disparaît ; avec lui sont mortes toutes les vieilles valeurs morales, métaphysiques, politiques et religieuses... La tâche est désormais d'affronter le chaos qui s'annonce ; non toutefois pour le nier en tant que chaos lui-même, mais pour le reconnaître, pour l'admettre comme composante essentielle de l'humanité... Il s'agit de passer d'un nihilisme subi, passif, à un nihilisme reconnu, actif, seul capable de répondre aux ravages induits par l'acte déicide de l'homme. Reconnaître ce que n'a jamais été la « vraie vie » dans son idéalité philosophique ou religieuse, c'est-à-dire reconnaître tout autant, et sous la forme des tensions les plus extrêmes, que les instants de bonheur, d'harmonie, de vérité et de bien se mêlent contradictoirement avec des moments d'illusion, de pluralité, de souffrance et de mal, voilà le seul recours offert à l'homme contemporain pour vaincre son désespoir et sa solitude. Nietzsche pose en effet à l'avenir de l'humanité un enjeu central et redoutable : « Si nous ne faisons pas de la mort de Dieu un grand renoncement et une perpétuelle victoire sur nous-mêmes, nous aurons à payer pour cette perte ». A ses yeux, le dépassement d'un monde conjointement ordonné à l'ancienne métaphysique, au divin et au nihilisme passif qui le sanctionne, ne peut plus reposer sur aucune transcendance religieuse ou métaphysique. Les anciennes valeurs prônées par la religion ainsi que les essences idéelles déterminées par Platon (le beau, le bien, le juste, etc...), parce que fixées d'en haut, du dehors même du réel et de la vie, ne peuvent jamais que gouverner celle-ci au prix des désillusions et des dégâts les plus graves. Identiquement, le socialisme, continuité terrestre du crédo chrétien, est condamné d'emblée au titre d'une illusoire solution de rechange. Le nihilisme ne peut et ne sera dépassé qu'à partir de son admission et de sa réalisation pleine, de la reconnaissance de son principe vivant, actif, (nous ne mentionnons pas ici comment lui-même tenta désespérément de mener à bout ce programme : Volonté de puissance, Surhomme, Eternel retour, etc).
On trouve explicitement dans Tiqqun cette volonté de repartir du pari nietzchéen. Aussi radicales que faussement lyriques, certaines formules incantatoires voudraient s'en convaincre elles-mêmes : « Anéantir le néant » ; « Précisément parce qu'il est l'homme du nihilisme accompli, la destination du Bloom est d'opérer la sortie du nihilisme, ou périr », Théorie du Bloom ; « Nous ne pouvons dépasser le nihilisme sans le réaliser, ni le réaliser sans le dépasser. Le passage de la ligne ne siginifie rien d'autre que la destruction générale des choses en tant que telles, soit en d'autres termes, l'anéantissement du néant », Le silence et son au-delà. La fausse alternative de Tiqqun est pourtant de rattacher cette « destruction générale » aux guenilles mystiques du pantin religieux ; et ce n'est même plus, comme dans le cas du mouvement révolutionnaire ouvrier, la poursuite « laïcisée », terrestre et historique, des plus forts idéaux chrétiens, la lutte des classes qui s'extirpe pour la première fois du langage de la religion selon Debord, mais bien le retour brutal de ce même langage avec son lot symbolique d'images repassées et de prêtres desservants. S'il reste en effet au Bloom, avant sa perte définitive, la possibilité d'un réveil de la conscience pour parvenir entre autre chose au politbureau du P.Imaginaire (c'est à dire rejoindre le noyau dur des conscients), il demeure, comme ses chefs, simple agent d'un destin historico-religieux tracé en dehors de sa seule bonne volonté. On aura alors beau jeu de dénoncer la transcendance historique développée par la philosophie hégéliano-marxiste, puisque, en désespoir de cause, on rehausse le cadavre divin. Seule l'arrivée du Tiqoun, c'est à dire la course normale du monde selon Louria et les sabbatéens, décide, en dernier ressort, du passage vers la libération... Nietzsche lui-même ne fut pas dupe des tentatives de galipette arrière. Ramener le religieux sur le tapis équivaudrait finalement non pas à dépasser le néant comme le pense Tiqqun, mais à le valider, à lui rendre la place centrale qu'il occupa pendant plus de deux millénaires : vieille métaphysique et dogmatisme religieux consacreraient à nouveau le règne de la mort, relanceraient toutes « les fabulations autour du néant et de son culte », rétabliraient l'état où « l'instinct de destruction est systématisé sous le nom de rédemption ». Sans être nietzchéen, on peut accorder à cette remarque une très forte validité et l'on se reportera ici à l'exemple des ambiguïtés mortifères du Frankisme.
C'est là, une fois de plus, que se posent les questions les plus troublantes à l'égard d'une revue qui, après avoir pêché ses orientations positives dans le radicalisme Kabbaliste, s'émoustille et se fascine pour les actes désespérés d'une vaste décomposition sociale. La fascination de la mort, du néant, de la violence et du ravage, même si elle s'habille d'une conclusion libératrice en lieu et place du Tiqoun, atteint intellectuellement plus qu'ils ne s'en doutent eux-mêmes nos chers enfiévrés ridicules... A croire également que l'on ne s'approche jamais si près du néant de manière seulement innocente. Crevel, parlant d'Heidegger, notait déjà qu'il pérorait sur le néant en néantisant lui-même. Adorno, un peu plus précis, relevait quant à lui, que les nihilistes sont toujours « ceux qui opposent au nihilisme leurs positivités de plus en plus délavées et qui par elles se conjurent avec toute la bassesse établie, finalement avec le principe de destruction » (souligné par nous).
Les nihilistes politiques russes retrouveront dans leurs actes et leurs représentations des attitudes mystiques et religieuses procédant d'une fascination similaire à l'égard de la mort et du ravage. Ils vivaient, selon Camus, « (...) à la hauteur de l'idée. Ils la justifient, pour finir, en l'incarnant jusqu'à la mort. Nous sommes encore en face d'une conception, sinon religieuse, du moins métaphysique de la révolte ».
C'est en Netchaiev (1822-1882) que le nihilisme politique trouva sa figure la plus extrême. Moine cruel d'une révolution désespérée, il partit du principe que politique et religion ne devaient faire plus qu'un. Admirateur forcené des jésuites, lecteur partiel de Machiavel, acceptant tous les moyens au nom de la fin, il propagea à l'intention de ses fidèles mystifiés un fanatisme d'acier et un abandon absolu. Au service d'une conception absolutiste de l'amour et de la fraternité – conception que la révolution ne saurait tarder à réaliser –, meurtres, crimes, suicides volontaires lors des attentats, furent érigés en actes exemplaires d'une nouvelle martyrologie. (...)