L’armée israélienne, jadis bastion de la gauche laïque, serait désormais sous l’influence de courants nationalistes religieux. The New York Times a mené une enquête sur ce sujet délicat.
01.04.2009 | Ethan Bronner | The New York Times
Selon l’un des soldats, identifié sous le pseudonyme de Ram, “le rabbinat a fait parvenir toutes sortes de brochures et d’articles [durant l’opération israélienne de décembre et janvier derniers] à Gaza. Le message était très clair : nous sommes le peuple juif, nous sommes ici par miracle, Dieu nous a ramenés ici et nous devons maintenant nous battre pour expulser les non-Juifs qui font obstacle à notre conquête de la terre sacrée. Voilà l’essentiel de son message, et de nombreux soldats considéraient cette opération [Plomb durci] comme une guerre sainte.”
Dany Zamir, le directeur du programme prémilitaire qui a recueilli les témoignages des soldats, exprime ses craintes face à la multiplication des éléments nationalistes religieux au sein de l’armée. Au cours des quarante premières années d’existence d’Israël, l’armée était – comme la plupart des institutions du pays – dominée par des membres des kibboutz qui se considéraient comme laïcs, occidentaux et instruits. Depuis dix ou vingt ans, les nationalistes religieux, notamment plusieurs des instigateurs du mouvement de colonisation de la Cisjordanie, sont de plus en plus nombreux dans la hiérarchie militaire.
“Le corps des officiers de la brigade d’élite Golani est maintenant constitué en grande partie de diplômés des écoles préparatoires appartenant à la droite religieuse”, fait remarquer Moshe Halbertal, professeur de philosophie et coauteur du code d’éthique militaire. “La droite religieuse cherche à influencer la société israélienne par l’intermédiaire de l’armée.” Pour M. Halbertal comme pour la majeure partie des Israéliens, Tsahal est une institution particulièrement propice car elle a toujours fonctionné comme un lieu de mixité sociale où se retrouvent des individus de tous horizons.
Les adversaires de la droite religieuse sont particulièrement inquiets de l’influence du rabbin en chef des armées, le brigadier général Avichaï Rontzki, lui-même colon en Cisjordanie. Très actif pendant la guerre, il a passé la majeure partie de son temps sur le terrain, avec les troupes. Il a même repris une citation d’un texte classique hébreu pour en faire un slogan pendant la guerre : “Celui qui fait preuve de miséricorde envers l’homme cruel se conduira bientôt avec cruauté envers le miséricordieux.”
Une brochure remise aux soldats a soulevé la controverse lorsqu’on y a découvert une ordonnance rabbinique recommandant de ne pas faire preuve de pitié envers l’ennemi. Le ministère de la Défense a réprimandé le rabbin. A la même époque, en janvier, Avshalom Vilan, alors député de gauche au Parlement, a accusé le rabbin d’avoir “détourné l’armée israélienne de ses objectifs et [d’avoir] transformé un combat justifié par la nécessité [de se défendre] en guerre sainte”.
Juste après le retrait des troupes et des colons israéliens de Gaza, en 2005, on a voulu mettre fin à certains programmes religieux au sein de l’armée parce que des soldats qui en faisaient partie avaient affirmé qu’ils refuseraient d’obtempérer si on leur demandait à nouveau de démanteler des colonies. Toutefois, après l’arrivée au pouvoir du Hamas à Gaza [2007] et la multiplication des tirs de roquettes sur Israël, ce projet a été oublié.
Subordonnés au respect de la loi de la torah
Selon Yaron Ezrahi, politologue de gauche de l’Université hébraïque [de Jérusalem], qui a enseigné à des commandants de l’armée, la suppression de ces programmes devrait figurer à nouveau à l’ordre du jour. En effet, si nous devons retenir une leçon de Gaza, c’est que la tradition humaniste sur laquelle se fondent les codes d’éthique n’y a pas été suffisamment respectée.
Une campagne de propagande a discrètement été lancée à la mi-mars pour discréditer les témoignages recueillis par M. Zamir en invoquant ses sympathies gauchistes. Dans le même temps, les nombreux propos et écrits du rabbin Rontzki ont circulé chez les intellectuels de gauche. Il aurait notamment écrit que ce que d’autres appellent “valeurs humanistes” ne sont que des sentiments subjectifs qui doivent être subordonnés au respect de la loi de la Torah. Il aurait également affirmé que la principale raison pour un médecin juif de traiter un patient non juif le jour du sabbat – alors que le travail est interdit mais qu’il faut soigner les malades et les blessés – est d’éviter d’exposer les Juifs de la diaspora à la haine. Selon M. Halbertal, le clivage de plus en plus marqué de la société israélienne n’existe pas seulement entre Juifs religieux et Juifs laïcs, mais également entre les diverses factions religieuses. Le débat concerne trois aspects : la sainteté de la terre contre celle de la vie ; la relation entre messianisme et sionisme ; et la place des non-Juifs dans un Etat juif souverain.
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