Des réseaux Phoenix de la C.I.A. (Doug Valentine) à la "société du spectacle" (Guy Debord)
Poursuivons notre exploration des travaux les plus sérieux en matière de théories du complot, qu'il s'agisse de complots avérés ou qu'ils soient seulement conceptualisés par des penseurs sérieux et rigoureux.
Les auteurs Douglas Valentine et Guy Debord sont peut-être positionnés à gauche (le marxisme dominait la pensée de la jeunesse à cette époque), n'empêche que des penseurs libres et non-alignés seront certainement capables de faire le tri et de corriger eux-mêmes les quelques biais de ces chercheurs, biais assez rares et peu problématiques à notre avis. C'est le cas de Guy Debord tout particulièrement, dont les critiques du "système capitaliste" peuvent décevoir par leur caractère horriblement abstrait, bien que sa manière très concrète de décortiquer le système de domination secrète reste des plus efficace.
C'est le chercheur Doug Valentine (auteur de The Phoenix Program et The C.I.A. As Organized Crime) qui nous aura fait découvrir l'auteur philosophe Guy Debord (auteur de La société du spectacle), dont la pensée nous apparaît curieusement très proche de la nôtre.
Comme lui, nous sommes conscients que près de la moitié de nos lecteurs sont des spooks qui travaillent en fait contre nous et pour le maintien du système de domination secrète. Premier chapitre des Commentaires sur la société du spectacle:
"Ces Commentaires sont assurés d’être promptement connus
de cinquante ou soixante personnes ; autant dire beaucoup dans les
jours que nous vivons, et quand on traite de questions si graves.
Mais aussi c’est parce que j’ai, dans certains milieux, la réputation
d’être un connaisseur. Il faut également considérer que, de cette
élite qui va s’y intéresser, la moitié, ou un nombre qui s’en approche
de très près, est composée de gens qui s’emploient à maintenir le
système de domination spectaculaire, et l’autre moitié de gens qui
s’obstineront à faire tout le contraire. Ayant ainsi à tenir compte
de lecteurs très attentifs et diversement influents, je ne peux
évidemment parler en toute liberté. Je dois surtout prendre garde
à ne pas trop instruire n’importe qui."
À la différence d'un Soral et des autres conspirationistes de notre temps, Debord se basait uniquement sur les meilleures sources (plutôt que sur de la littérature conspirationniste douteuse) et avant tout sur une pensée philosophique solidement formée et accomplie.
Où est le lien dans tout ça avec le programme Phoenix développé au Vietnam par la C.I.A.? C'est ce que vous comprendrez en écoutant ces entrevues avec Doug Valentine dans lesquelles il explique comment les réseaux Phoenix sont réapparus partout dans le monde pour surveiller les populations, manipuler tous les médias et le spectacle, faire taire les diseurs de vérité, contrôler les partis politiques, les universités, les écoles, etc. La différence entre ce propos audacieux de Doug Valentine et celui du conspirationniste ordinaire qui sévit aujourd'hui sur internet est que Doug Valentine a l'information permettant de le prouver et de tirer les conclusions qui s'imposent en ce qui concerne la réalité actuelle, car depuis ses débuts au Vietnam le programme Phoenix a eu amplement le temps et l'occasion d'évoluer et de se perfectionner considérablement. (Nous restons cependant fort sceptiques vis-à-vis de tous ces vidéos hallucinants et sensationnels qui circulent sur YouTube concernant le programme Phoenix, MK Ultra et les armes psychotroniques, dont nous ne nions absolument pas l'existence mais qui méritent un examen approfondi beaucoup plus sérieux et professionnel.)
DEBORD: LA SOCIÉTÉ DU SPECTACLE (RÉSUMÉ)
https://la-philosophie.com/debord-la-societe-du-spectacle-resume
Analyse de la Société du Spectacle
On lit ici et là de plus en plus de papiers conspirationnistes,
d’auteurs dénonçant la mainmise des politiques sur les médias, la
version “officielle” du 11 septembre, la désinformation sur le conflit
irakien, le nucléaire iranien, … Le monde paraît manipulé, mis au
secret, masqué des yeux du public, bref l’objet d’un complot permanent.
Il est nécessaire de retracer la généalogie intellectuelle de cette
pensée, à travers l’auteur majeur du situationnisme, Guy Debord et son ouvrage La Société du Spectacle.
La théorie du complot, ou l’essence de la politique chez Guy Debord
Qu’est-ce que le spectacle chez Debord ?
Dans La Société du spectacle, et plus encore dans ses Commentaires sur la société du spectacle, Debord critique la démocratie et ses fondements.
Dans le texte de 1967, Debord ne distinguait que deux
formes du spectaculaire, l’une diffuse (dont le modèle était la société
américaine, dans laquelle le modèle du citoyen-consommateur dominait) et
l’autre concentrée (représentée par les régimes dictatoriaux reposant
sur le culte du chef). En 1988, le penseur situationniste ajoutait un
troisième type : le spectaculaire « intégré », synthèse des deux
premiers. Ce dernier, en sus d’être apparu le plus récemment selon lui,
est transversal à tous les régimes politiques, mais acquiert une force
particulièrement grande dans les démocraties spectaculaires, et se
caractérise par cinq traits :
« le renouvellement technologique incessant ; la fusion
étatico-économique ; le secret généralisé ; le faux sans réplique ; un
présent perpétuel ».
Et Debord d’ajouter plus loin :
« Le secret généralisé se tient derrière le spectacle, comme le
complément décisif de ce qu’il montre et, si l’on descend au fond des
choses, comme sa plus importante opération. » ; « Notre société est
bâtie sur le secret, depuis les ”sociétés-écrans” qui mettent à l’abri
de toute lumière les biens concentrés des possédants jusqu’au
”secret-défense” qui couvre aujourd’hui un immense domaine de pleine
liberté extrajudiciaire de l’Etat » .
On le voit ici, le secret couvre le champ tant économique que
politique. Il convient ainsi de déterminer en quoi le secret est au
coeur du spectacle, et quelle est précisément sa fonction : en quoi
est-il sa « plus importante opération » ? Le secret, comme technique de
gouvernement, apparaît comme la clé de voûte du système spectaculaire,
en ce qu’il permet de masquer le spectacle, autrement dit la domination,
au public. Il est ainsi vital à l’exercice de la domination. Mieux, le
secret est le mode de production de la domination. Car sans lui, cette
dernière, apparaissant au grand jour, deviendrait, dans sa nudité et son
obscénité, insupportable et donc fragile. C’est pourquoi Debord fustige
ceux qui organisent le secret, ses agents, à savoir les services
secrets, les experts, les médias et les sociétés secrètes.
Le rôle des services secrets
Les services secrets, sous couvert de protéger une société de ses
ennemis, constitueraient en fait un réseau d’espionnage des citoyens,
visant à surveiller et à contrôler toute découverte de ces derniers de
la véritable nature de la société spectaculaire, bref pour étouffer
toute tentative de renversement du pouvoir. Ils symbolisent l’arbitraire
du pouvoir, leurs actions injustes, assassinats, enlèvements,
pressions, restant à jamais dans l’ombre. La condamnation de l’impunité
dont jouissent ses agents est renforcée par la détention d’informations
capitales, qui assoit leur pouvoir : ils convertissent leur savoir en un
pouvoir qu’ils exercent sur toute la société.
Les experts
Les experts participent, quant à eux, de la même dynamique. Ils ont
pour rôle de falsifier le passé (réalisant la « mise hors la loi de
l’histoire » ), organisant l’amnésie collective de la société, le
présent (avançant « des récits invérifiables, des statistiques
incontrôlables, des explications invraisemblables et des raisonnements
intenables ») et le futur, la mise à distance du monde et
l’impossibilité de bâtir un projet réformateur, bref la déréalisation du
monde, le devenir-falsification du monde.
Les médias
Les médias renforcent les effets du spectaculaire en rendant futile
et stérile tous les débats, fondés uniquement sur le divertissement.
Assujettis au pouvoir, ils constituent, pour Debord, les meilleurs
propagandistes de la société du spectacle, maintenant, via la pratique
de la rumeur et de la désinformation, les individus dans l’ignorance.
Les sociétés secrètes
Enfin, les sociétés secrètes, quatrième « institution » de la société
spectaculaire, concourt à la prolifération du secret. Elle naît sur le
sol même du spectacle, complice, et non rival, de l’Etat. L’alliance de
la Mafia et du spectaculaire intégré consiste, nous dit Debord, à
déposséder, comme cela a été le cas lors de la prohibition aux
Etats-Unis, le public de toute autonomie. Ils participent de la même
conspiration contre les citoyens. Debord érige la Mafia, société secrète criminelle, en unique modèle de société secrète.
Secret et démocratie
Par conséquent, le secret existerait avant tout comme secret de la domination. Debord nous
présente l’image d’une société divisée en deux camps, les manipulateurs
et les manipulés, les uns complotant contre les autres. Cette théorie
du complot généralisé, d’ascendance marxienne, ne traduit-elle pas une
conception paranoïaque du pouvoir et de ses soi-disant affidés ? Faire
du secret, la source de production et de conservation de la domination
ne donne-t-elle pas une vision manichéenne de la société ? Le sujet,
chez Debord, est réduit à la passivité, ingérant sans
discernement ce qu’on lui présente. Or, même en admettant que le secret
est omniprésent, ne peut-on pas « miser » sur la capacité critique des
citoyens à faire montre de méfiance ?
Né à Paris en 1931 dans une famille de la moyenne bourgeoisie,
orphelin de père à 4 ans, Guy Debord a grandi à Nice, avant de revenir
dans la capitale à la fin de l’adolescence.
On le connaît par de multiples images. Autant de fragments d’une vie
et d’une légende. Un jeune homme de 22 ans, inscrivant sur un mur de la
rue de Seine, le slogan « Ne travaillez jamais », graff
liminaire écrit à la craie, symbole d’une révolte politique et
esthétique contre l’ordre établi et le confortable conformisme de la
France des Trente Glorieuses. L’image du chef de bande, un rien voyou,
vaguement clandestin, presque gourou, fondant en 1957 l’Internationale
situationniste et dirigeant sa petite troupe d’activistes avec
l’autorité et la stratégie d’un chef de guerre. L’image du théoricien
politique radical, fuyant les médias, méditant sa lecture de Marx pour
écrire et publier, quelques mois avant Mai 68, un essai dont le titre a
connu une rare et équivoque fortune : La Société du spectacle (1967). L’image d’un cinéaste héroïque, livrant une poignée de films qu’il revendiquait sans « aucune concession pour le public ». Celle, enfin, de l’ermite de Haute-Loire, l’autobiographe de Panégyrique (1989),
symbole d’un diable paranoïaque pour les uns, épicurien sensible et
généreux pour les autres ; vivant retiré du monde, lisant, écrivant et
buvant beaucoup, ultimement tiré de l’oubli par l’annonce de son
suicide, le 30 novembre 1994.
On peut reprocher à Debord le choix malheureux du mot spectacle. Il
semble nier autant le rôle nécessaire de la représentation que celui de
la procuration oubliant la validité ou le rôle cathartique du théâtre,
des spectacles et de l’art en général. Mais le principal n’est pas là.
Il s’agit d’un texte radical qui subsiste à minima comme prophétique.
Dans La Société du spectacle, et plus encore dans ses Commentaires sur la société du spectacle, Debord critique le capitalisme, la démocratie et ses fondements.
La « société du spectacle » est incontestablement le concept qui fait
encore la postérité de Guy Debord. Devenu, dans le langage courant, une
sorte de dénonciation de l’emprise excessive des médias, La Société du spectacle, essai
plutôt difficile d’accès, est en fait bien plus que cela : un pamphlet
anticapitaliste virulent et argumenté. La cible de l’auteur, et il le
redira en 1988 dans ses Commentaires sur la société du spectacle, c’est «
l’accomplissement sans frein des volontés de la raison marchande », «
le règne autocratique de l’économie marchande ayant accédé à un statut
de souveraineté irresponsable, et l’ensemble des nouvelles techniques de
gouvernement qui accompagnent ce règne ».
Le capitalisme est une machine qui tourne pour elle même, où le
spectacle exprime le fait qu’il semble avoir oublié les besoins que la
production est censée satisfaire.
Pour la première fois dans l’histoire des hommes, ajoute Debord,
« les mêmes ont été les maîtres de tout ce que l’on fait et de tout ce
que l’on en dit ». C’est la concentration de tous les pouvoirs dans les
mains de quelques-uns, le totalitarisme de la marchandise, l’aliénation
de l’individu dont l’existence est au service de ladite marchandise. «
Quand l’économie toute-puissante est devenue folle […] les temps
spectaculaires ne sont rien d’autres », conclut Guy Debord.
Il nous montre que la société est devenue une société matérialiste et
consumériste qui tourne autour de l’avoir et du paraître mais aussi une
société en lutte permanente.
Pour lui tout est production, le monde est devenu une représentation
du capitalisme au sens théâtral du terme. Tout est dans la
représentation, le paraître qui découle de l’avoir. A l’époque de
l’industrialisation , l’avoir définissait l’être. Aujourd’hui avec la
production de masse quand tout le monde peut avoir des choses
identiques, l’avoir n’est plus la définition premier de l’être. Ça
devient le paraître. C’est ce qu’on donne à voir qui va nous définir,
nous devenons des spectacles de nous mêmes. Il critique la
marchandisation du monde. Dans la société contemporaine, tout se vend
tout s’achète. On doit consommer toujours plus et cette consommation à
outrance est de plus en plus visible et se donne en spectacle.
Une société en lutte permanente dominée par les institutions du pouvoir
Les hommes politiques issues de la bourgeoisie pour la plupart ont la
main mise sur l’économie capitaliste. La société est construite selon
un point de vue bourgeois. la lutte et la domination se retrouvent aussi
dans les domaines de l’espace, du temps et de la culture. Ce sont les
dirigeant qui décident aussi bien de la répartition du temps que de la
manière dont on peut le dépenser . Ainsi il y a une profonde inégalité
entre les travailleurs qui sont emprisonnés dans ce que Debord appelle
«un temps cyclique» qui correspond au temps de production ou ils ne font
que répéter des gestes de production. (voir les expressions métro
boulot dodo ou travaille consomme et meurs ou encore travaille consomme
et tais toi); tandis que les dirigeants perçoivent la «valeur ajoutée»
du temps qu’ils dépensent comme ils le veulent en loisirs ou autre.
De plus Debord nous explique aussi qu’il y a depuis le début de
l’industrialisation une lutte entre la ville et la campagne et que c’est
finalement la première qui gagne dans l’emménagement du territoire.
Dans le texte paru en 1967, Debord ne distinguait
que deux formes du spectaculaire, l’une diffuse dont le modèle était la
société américaine, dans laquelle le modèle du citoyen-consommateur
dominait et l’autre concentrée, représentée par les régimes dictatoriaux
reposant sur le culte du chef. En 1988, il ajoutait un troisième type :
le spectaculaire « intégré », synthèse des deux premiers. Ce dernier,
en sus d’être apparu le plus récemment selon lui, est transversal à tous
les régimes politiques, mais acquiert une force particulièrement grande
dans les démocraties spectaculaires, et se caractérise par cinq traits
:«le renouvellement technologique incessant ; la fusion étatico-économique ; le secret généralisé ; le faux sans réplique ; un présent perpétuel ».
Et Debord d’ajouter plus loin :« Le secret
généralisé se tient derrière le spectacle, comme le complément décisif
de ce qu’il montre et, si l’on descend au fond des choses, comme sa plus
importante opération. » ; « Notre société est bâtie sur le secret,
depuis les ”sociétés-écrans” qui mettent à l’abri de toute lumière les
biens concentrés des possédants jusqu’au ”secret-défense” qui couvre
aujourd’hui un immense domaine de pleine liberté extrajudiciaire de
l’Etat » .
On le voit ici, le secret couvre le champ tant économique que
politique. Il convient ainsi de déterminer en quoi le secret est au cœur
du spectacle, et quelle est précisément sa fonction : en quoi est-il sa
« plus importante opération » ? Le secret, comme technique de
gouvernement, apparaît comme la clé de voûte du système spectaculaire,
car il permet de masquer le spectacle, autrement dit la domination, au
public. Il est ainsi vital à l’exercice de la domination. Mieux, le
secret est le mode de production de la domination car sans lui elle
apparaîtrait au grand jour et deviendrait donc, dans sa crue et obscène
nudité, insupportable et donc fragile.
C’est pourquoi Debord fustige ceux qui organisent le
secret, ses agents, à savoir les services secrets, les experts, les
médias et les sociétés secrètes.
Le rôle des services secrets
Les services secrets, sous couvert de protéger une société de ses
ennemis, constitueraient en fait un réseau d’espionnage des citoyens,
visant à surveiller et à contrôler toute découverte de ces derniers de
la véritable nature de la société spectaculaire, bref pour étouffer
toute tentative de renversement du pouvoir. Ils symbolisent l’arbitraire
du pouvoir, leurs actions injustes, assassinats, enlèvements,
pressions, restant à jamais dans l’ombre. La condamnation de l’impunité
dont jouissent ses agents est renforcée par la détention d’informations
capitales, qui assoit leur pouvoir : ils convertissent leur savoir en un
pouvoir qu’ils exercent sur toute la société.
Les experts
Les experts participent, quant à eux, de la même dynamique. Ils ont
pour rôle de falsifier le passé (réalisant la « mise hors la loi de
l’histoire » ), organisant l’amnésie collective de la société, le
présent (avançant « des récits invérifiables, des statistiques
incontrôlables, des explications invraisemblables et des raisonnements
intenables ») et le futur, la mise à distance du monde et
l’impossibilité de bâtir un projet réformateur, bref la déréalisation du
monde, le devenir-falsification du monde.
Les médias
Debord pointe du doigt les moyens de communication de masse qui sont
les principaux acteurs, la preuve la plus évidente d’une représentation
du monde ou nous sommes le spectacle de nous mêmes. De plus les médias
renforcent les effets du spectaculaire en rendant futile et stérile tous
les débats, fondés uniquement sur le divertissement. Assujettis au
pouvoir, ils constituent, pour Debord, les meilleurs propagandistes de
la société du spectacle, maintenant, via la pratique de la rumeur et de
la désinformation, les individus dans l’ignorance.
Les sociétés secrètes
(Pour être tout à fait clair et éviter les confusions,
Debord ne pense pas aux théories complotistes telle la théorie du
complot Illuminati véhiculée par «les milieux d’extrême droite
ésotérique marqués par le new-age », par une association d’extrême
droite comme Égalité et Réconciliation ou par Laurent Glauzy, ancien
chroniqueur de Rivarol qui lui a consacré un livre largement cité à
l’extrême droite (Rivarol, Radio Courtoisie , plusieurs sites officiels
du Front national)
Il parle des sociétés maffieuses ( Camorra, Cosa nostra, ‘Ndrangheta, triades chinoises, boryokudan japonais, bratva russe) , qui sont des « institutions» de
la société spectaculaire, qui concourent à la prolifération du secret.
Elle naissent sur le sol même du spectacle, complices, et non rivales ,
de l’État. L’alliance de la Mafia et du spectaculaire intégré consiste,
nous dit Debord, à déposséder, comme cela a été le cas lors de la
prohibition aux États-Unis, le public de toute autonomie. Debord érige la Mafia, société secrète criminelle, en unique modèle de société secrète.
Un penseur prophétique?
Le philosophe Giorgio Agamben écrivait en 1990 : « L’aspect sans
doute le plus inquiétant des livres de Debord tient à l’acharnement avec
lequel l’histoire semble s’être appliquée à confirmer ses analyses. Non
seulement, vingt ans après La Société du spectacle, les commentaires sur la société du spectacle (1988)
ont pu enregistrer dans tous les domaines l’exactitude des diagnostics
et des prévisions, mais entre-temps, le cours des événements s’est
accéléré partout si uniformément dans la même direction, qu’à deux ans à
peine de la sortie du livre, il semble que la politique mondiale ne
soit plus aujourd’hui qu’une mise en scène parodique du scénario que
celui-ci contenait. L’unification substantielle du spectacle concentré
(les démocraties populaires de l’Est) et du spectacle diffus (les
démocraties occidentales) dans le spectacle intégré, qui constitue une
des thèses centrales des Commentaires, que bon nombre ont trouvée
à l’époque paradoxale, s’avère à présent d’une évidence triviale. Les
murs inébranlables et les fers qui divisent les deux mondes furent
brisés en quelques jours. Afin que le spectacle intégré puisse se
réaliser pleinement également dans leur pays, les gouvernements de l’Est
ont abandonné le parti léniniste, tout comme ceux de l’Ouest avaient
renoncé depuis longtemps à l’équilibre des pouvoirs et à la liberté
réelle de pensée et de communication, au nom de la machine électorale
majoritaire et du contrôle médiatique de l’opinion (qui s’étaient tous
deux développés dans les États totalitaires modernes). »
Guy Debord nous livre donc dans son travail, une critique acerbe de
la marchandisation de la société. Société dans laquelle les individus
sont séparés les uns des autres alors qu’ils sont de plus en plus
identiques et en lutte permanente les uns envers les autres que ce soit à
l’intérieur de l’entreprise ou ils sont mis en concurrence les uns avec
les autres, au niveau du marché du travail national et même
international où le travailleur italien est mis en concurrence avec le
chinois , le roumain ou le français.A l’heure ou se cristallise et se
manifeste le mécontentement d’une partie des français il est bon de
rappeler qui sont ceux qu’il faut combattre, quels sont ceux à qui il
faut s’adresser. En ce sens «la société du spectacle» garde toute sa
pertinence. Il faut toutefois ajuster cette pensée avec la réalité
actuelle: Ce que Debord nomme les dirigeants, les politiques, ne sont
pas ceux qui sont à l’Élysée, à Matignon, au sénat ou à l’assemblée
nationale. L’ennemi c’est le système capitaliste et les dirigeants des
grandes entreprises Google, Total, Facebook, Amazon , les Vincent
Bolloré,François Pinault , Bernard Arnault, Mark Zuckerberg, Jeff Bezos
etc.